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Camille Lecuyer
Courriel : camille.lecuyer1[at]cyu.fr
Septembre 2021
Julie Amiot-Guillouet
Photographier l’absence. Deuil et disparition forcée dans les représentations du conflit armé colombien
Entamé au début des années 1960 avec la création des premières guérillas d'inspiration marxiste, le conflit armé colombien s'étale sur plus de cinquante ans, faisant de la Colombie le pays avec le plus long conflit sans négociations dans le monde. La Colombie d'aujourd'hui reste très fortement impactée par le vide démographique, social et psychologique laissé par une violence généralisée, banalisée et quotidienne, souvent impunie. Dans un tel contexte, le deuil s'avère difficile, voire impossible, par peur de représailles ou en l'absence de corps auprès duquel se recueillir ; l'absence se poursuit donc après la mort, et jusque dans le travail de mémoire, nécessairement lacunaire. Bien avant que les accords paix ne viennent imposer un cadre juridique à la réparation des victimes du conflit armé en Colombie, la photographie cherchait déjà à s'imposer comme une forme de réparation. Mais comment représenter ce versant invisible de la guerre, cette violence qui a pour vocation même de ne pas laisser de traces ? Évoquer l'absence constitue un défi non seulement esthétique, mais également anthropologique. La photographie, que l'on définit souvent comme un "ça a été", c'est à dire une empreinte, une trace du passé dans le présent, un fragment de mémoire, peut-elle s'insérer dans le vide laissé par ces absences ? Il s'agit de révéler le vide et les silences, de montrer comment l'absence fait désormais partie du quotidien de ceux qui restent, tout en interrogeant les liens intimes que le média photographique entretient avec la mort et la mémoire.
After a fifty-year-long conflict, Colombia remains deeply affected by a demographic, social and psychological loss of what can be called today the « longest conflict in the world ». The omnipresent and normalized violence characterizing the Colombian war was often left unpunished; in this context, the fear of retaliation and sometimes the very disappearance of the body both create an ever-lasting absence to which no mourning rituals can put an end. Even before peace negotiations would legislate victims' compensation in Colombia, photography was already acting as a form of reparation. But how to depict the very invisibility of violence in this silent war that, precisely, aims at erasure? Representing absence is both an aesthetic and an anthropological challenge. Photography is often defined as an « this-has-been » (Barthes), that is to say a print, a trace from the past in present time, and a fragment of memory. Could it fit into the void such absences create? On the one hand, the photographic object is in itself both a material presence and an absence; it embodies the individual's past existence. Images from family albums become symbolical substitutes for the body and allow funerary rituals to take place. They retain the aura and stir the memory. On the other hand, photography as an artistic practice may be the result of a need for investigation, or sublimation - often both - of absence. It tries to show how absence invades the daily life of those who remain after the loss; it reveals voids, and silences, and makes us question the intimate relationship between the pictures, the medium, death and memory.