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Clara Romani
Date d'inscription
Septembre 2024
Directrice de recherche
Valérie Toureille (CY, Héritages)Intitulé de la thèse
Les prophétesses françaises du Moyen Âge tardifFrench Prophetesses of the Late Middle Ages
Résumé de la thèse
Dans le cadre de mon doctorat, je propose d'entreprendre une étude sur les prophétesses françaises du Moyen Âge tardif. Mon enquête s’étendra des débuts de ce phénomène au début du XIVe siècle sous le règne centralisateur de Philippe le Bel jusqu'à son essoufflement dans la première moitié du XVe siècle à la fin de la guerre de Cent Ans. Ces femmes prophétesses, parfois considérées comme des saintes, étaient réputées prédire l'avenir, souvent grâce à l'inspiration divine. Leurs dons charismatiques pouvaient leur conférer un pouvoir religieux et une influence politique supérieurs à ceux de bien d'autres femmes de leur époque. J'ai donc l'intention de me concentrer principalement sur les prophétesses de la sphère française non seulement pour proposer une vue d'ensemble de ce courant, mais aussi pour examiner ses implications pour notre compréhension du genre et de l'autorité au sein de la sphère politico-religieuse médiévale.
Cette étude sur l'autorité et sa construction dans le monde médiéval à travers l'histoire des prophétesses françaises, en particulier en lien avec le genre et ses dynamiques, définira l'approche particulière de ma thèse. J'ai l'intention d'explorer le jeu complexe des liens d'autorité et la manière dont ils sont tissés dans ces situations spécifiques. Dans de telles relations, l'autorité est souvent paradoxalement réciproque, allant dans les deux sens. Lorsqu'une partie reconnaît et affirme l'autorité d'une autre, elle lui accorde un pouvoir en même temps qu'elle affirme son propre pouvoir d'en donner. Cette action établit donc simultanément l'importance et les pouvoirs particuliers des deux parties dans ce schéma de « donneur » versus « receveur » d'autorité. Lorsque la prophétesse prédit la victoire du roi, par exemple, elle ne fait pas que renforcer son droit divin de gouverner, elle énonce également sa propre aptitude à porter un jugement sur ce droit.
Dans le cas des prophétesses, je vois plusieurs axes potentiels le long desquels de tels jeux d'autorité se jouaient et peuvent être examinés. Le premier se situe entre la prophétesse et l'Église;: les prophétesses créaient leurs propres positions d'autorité en dehors de la structure de l'Église dominée par les hommes, tandis que cette même structure instrumentalisait le pouvoir des prophétesses pour renforcer ses propres prétentions à l'autorité religieuse divine. À un niveau plus personnel, ce drame se jouait entre la prophétesse et son confesseur ; à plus grande échelle, il pouvait impliquer des évêques, des conciles, voire des papes. Le deuxième axe se situe entre la prophétesse et les pouvoirs séculiers. Les dirigeants politiques, tels que les rois et les princes, se tournaient vers les prophétesses pour renforcer leur légitimité politique, tandis que les prophétesses espéraient utiliser leur don pour influencer le cours politique de leur pays. Le troisième et dernier axe, sous-jacent aux deux précédents, se trouve entre la prophétesse et le peuple. Une prophétesse pouvait se servir de son autorité spirituelle pour imposer certaines valeurs ou certains points de vue aux gens du peuple; mais en même temps, une grande partie de cette autorité pouvait émaner de la reconnaissance de sa sainteté par le peuple lui-même, car le culte de la personnalité qui l'entoure lui confère l’aura d'inspiration charismatique. Une étude approfondie des flux de pouvoir le long de ces trois axes mettra en lumière l'interaction du genre et de l'autorité dans ces relations, ainsi que dans l'émergence et l'influence générale des prophétesses en France à la fin du Moyen Âge.
Résumé de la thèse en anglais
For my PhD, I propose to undertake a study of French prophetesses of the late Middle Ages. My investigation will range from the beginnings of this phenomenon in the early 14th century, under the centralizing reign of Philip the Fair, to its decline in the first half of the 15th century, at the end of the Hundred Years' War. These female prophets, sometimes considered saints, were reputed to predict the future, often through divine inspiration. Their charismatic gifts could grant them greater religious power and political influence than many other women of their time. I therefore intend to focus primarily on the prophetesses of the French sphere, not only to offer an overview of this phenomenon, but also to examine its implications for our understanding of gender and authority in the medieval politico-religious sphere.
This study of authority and its construction in the medieval world through the history of French prophetesses, particularly with respect to gender and its dynamics, will constitute the unique approach of my thesis. I intend to explore the complex interplay of ties of authority and how they are interwoven in these specific situations. In such relationships, authority is often paradoxically reciprocal, going both ways. When one party recognizes and asserts the authority of another, it is simultaneously granting power to that party while asserting its own power to grant authority. This action thus simultaneously establishes the importance and particular powers of both parties in this pattern of "giver" versus "receiver" of authority. When the prophetess predicts the king's victory, for example, she is not only reinforcing his divine right to rule, she is also stating her own authority to pass judgment on that right.
In the case of the prophetesses, I see several potential axes along which such games of authority were played and can be examined. The first is between the prophetess and the Church: the prophetesses created their own positions of authority outside the male-dominated structure of the Church, while that same structure instrumentalized the power of the prophetesses to reinforce its own claims to divine religious authority. On a more personal level, this drama played out between the prophetess and her confessor; on a larger scale, it could involve bishops, councils and even popes. The second axis was between the prophetess and the secular powers. Political leaders, such as kings and princes, turned to prophetesses to bolster their political legitimacy, while prophetesses hoped to use their gift to influence the political course of their country. The third and final axis, underlying the previous two, lies between the prophetess and the people. A prophetess could use her spiritual authority to impose certain values or points of view on the common people; but at the same time, much of this authority could emanate from the people's recognition of her holiness, as the cult of personality surrounding her gave her an aura of charismatic inspiration. An in-depth study of the flow of power along these three axes will serve to explore the interplay of gender and authority in these relationships, as well as in the emergence and general influence of prophetesses in late medieval France.