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Lucie Guignet
Date d'inscription
Septembre 2024
Directrice de recherche
Valérie Toureille
Intitulé de la thèse
La société carcérale dans le Lyonnais aux XIVe et XVe sièclesPrison society in the Lyonnais region in the 14th and 15th centuries
Résumé de la thèse
La prison médiévale apparaît à notre regard contemporain comme un espace d’exercice de la justice dont la réalité, matérielle, judiciaire et sociale doit être retracée à mesure de ses évolutions aux XIVe et XVe siècles. « Une prison a été instituée par la loi pour garder, non pour punir. » Ces mots, écrits en 1305 par l’archevêque de Lyon Louis de Villars (1268-1308), lui-même détenteur de deux prisons au château Pierre-Scize et dans le palais Saint-Jean, présentent avec une grande clarté la spécificité de l’emprisonnement dans le processus judiciaire et pénal au Moyen Âge. La prison – ou plutôt l’espace carcéral, puisqu’il n’existe pas de bâtiment créé ex nihilo pour emprisonner au Moyen Âge – répond à des fonctions et des modalités extrêmement diverses au Moyen Âge que l’on peut résumer aux fonctions préventive, coercitive et punitive. Toutefois, la singularité et la modulabilité de l’emprisonnement médiéval imposent une description plus large de la « réalité » carcérale, dont l’expérience se distingue en fonction de l’ « état » du prisonniers et de son crime ou délit. L’enfermement n’est qu’une modalité de l’emprisonnement au Moyen Âge et les sources lyonnaises présentent un large panel de modalités de la détention ou de la privation de liberté : la prison ouverte, la prison élargie et la prison fermée. La réglementation des prisons royales de Lyon reprend celle appliquée au Châtelet de Paris en 1425 : « que chacun prisonnier soit mis et logé en ladite geôle selon son estat, le cas de son emprisonnement ». De plus, la définition de l’emprisonnement à la fin du Moyen Âge évolue dans le cadre d’un processus plus large de transformation de l’encadrement judiciaire en lien avec l’affirmation de la puissance monarchique. Cette transformation des structures de la justice s’accompagne d’une mutation du droit, de la criminalité qui se définit à cette époque, et donc de l’emprisonnement. La fonction pénale de la prison n’est plus une exception des officialités à partir de la charte de franchise donnée par l’archevêque Pierre de Savoie aux habitants et citoyens de Lyon le 21 juin 1320. La prison devient un outil de régulation sociale pour les délits et crimes qui menacent la société urbaine, son ordre, ses hiérarchies, par l’exclusion provisoire ou temporaire, que le bannissement ne permet pas. À ce titre, elle est automatique à Lyon en cas de trahison, lèse-majesté, espionnage ou rébellion. Le concept de « société carcérale » permet alors d’analyser l’articulation entre d’un côté la prison comme microcosme dont le fonctionnement repose sur la proximité entre prisonniers et officiers, et de l’autre la prison comme espace intégré et ouvert sur la ville et plus largement sur le paysage carcéral régional dans le cas des transferts de prisonniers.
En effet, la région est traversée par différents espaces politiques : l’empire, l’archevêché, les seigneuries, le bailliage et plus largement le royaume de France, et donc ponctuée de prisons relevant d’autorités judiciaires diverses. Toutefois, malgré cette diversité, les liens et les échanges sont nombreux entre ces espaces, au gré des conflits mais aussi des collaborations. Les mobilités et les transferts des prisonniers dessinent des liens de nature politique, économique et judiciaire entre ces prisons. L’articulation entre les échelles macro et micro permet de décrire matériellement et topographiquement ces espaces carcéraux et leur organisation. Cette dernière étant largement déterminée par l’état et la qualité du prisonnier, l’étude sociologique des détenus constitue une clef d'interprétation essentielle du fonctionnement des prisons lyonnaises médiévales. Le modèle lyonnais et la richesse des sources contribueront alors à apporter un éclairage sociologique nouveau sur l’histoire des prisons médiévales et à répondre à la lacune des sources qui caractérise d’autres espaces étudiés.
Résumé de la thèse en anglais
The medieval prison appears to our contemporary eyes as a place where justice was exercised, whose material, judicial and social reality must be retraced as it evolved in the 14th and 15th centuries. "A prison was instituted by law to guard, not to punish. These words, written in 1305 by the Archbishop of Lyon Louis de Villars (1268-1308), himself the keeper of two prisons at Château Pierre-Scize and Palais Saint-Jean, present with great clarity the specificity of imprisonment in the judicial and penal process of the Middle Ages. The prison - or rather the prison space, since no building was created ex nihilo to imprison in the Middle Ages - fulfilled extremely diverse functions and modalities in the Middle Ages, which can be summarized as preventive, coercive and punitive. However, the singularity and modulability of medieval imprisonment call for a broader description of the "reality" of imprisonment, whose experience differs according to the "state" of the prisoner and his or her crime or misdemeanor. In the Middle Ages, confinement was only one form of imprisonment, and Lyon's sources present a wide range of forms of detention or deprivation of liberty: the open prison, the enlarged prison and the closed prison. The regulations governing Lyon's royal prisons echo those applied at the Châtelet de Paris in 1425: "that each prisoner be placed and housed in the said geôle according to his state, the case of his imprisonment". What's more, the definition of imprisonment in the late Middle Ages evolved as part of a broader process of transformation of the judicial framework, in line with the assertion of monarchical power. This transformation in the structures of justice was accompanied by a change in the law, in criminality as defined at the time, and therefore in imprisonment. From the charter of franchise given by Archbishop Pierre de Savoie to the inhabitants and citizens of Lyon on June 21, 1320, the penal function of the prison was no longer an exception for official bodies. Prison became a tool of social regulation for misdemeanors and crimes that threatened urban society, its order and hierarchies, through temporary or provisional exclusion, which banishment could not provide. As such, it was automatic in Lyon in cases of treason, lèse-majesté, espionage or rebellion. The concept of the "prison society" allows us to analyze the relationship between the prison as a microcosm whose functioning is based on the proximity between prisoners and officers, and the prison as an integrated space open to the city and, more broadly, to the regional prison landscape in the case of prisoner transfers.
Indeed, the region is criss-crossed by different political spaces: the empire, the archbishopric, the seigneuries, the bailliage and, more broadly, the kingdom of France, and is therefore punctuated by prisons under various judicial authorities. However, despite this diversity, there were many links and exchanges between these areas, as conflicts arose and collaborations developed. Prisoners' mobility and transfers trace the political, economic and judicial links between these prisons. The link between macro and micro scales enables us to describe the material and topographical organization of these prison spaces. The latter being largely determined by the state and quality of the prisoner, the sociological study of inmates is an essential key to interpreting the workings of medieval Lyonnais prisons. The Lyonnais model and the wealth of sources will help shed new sociological light on the history of medieval prisons, and fill the gaps in sources that characterize other areas studied.