Thomas Lion

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Thomas Lion
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CV de Thomas Lion

Date d'inscription
Octobre 2024

Directrice de recherche

Chantal Lapeyre

Co-encadrantes de recherche

Marie Desplechin, Françoise Des Boscs Plateaux 

Intitulé de la thèse
La scène mystique.Rencontre de l’autre et reconnaissance de soi dans l’expérience littéraire
The Mystical Scene.Encounter with the other and self-recognition in the literary experience

Résumé de la thèse

« Que peut-on connaître du réel ? » : souvenir de philosophie qui me hante. Tenter de déplier le réel, l’expliquer, mène à l’infini : « Se divisant sans cesse, les parties de la matière forment de petits tourbillons dans un tourbillon, et dans ceux-ci d’autres encore plus petits, et d’autres encore dans les intervalles concaves des tourbillons qui se touchent. » (Deleuze, 1988).

Or, malgré cette incertitude, à la lecture, je peux soudain, en un « MAIS OUI », comprendre, grâce aux mots d’un autre, une expérience que j’avais du monde sans pouvoir la nommer. « La scène de la reconnaissance est la scène même de la lecture. » (Quignard, 1997). En moi, une collision, un déport, se produit, qui me dévie — me dé-vie. Un mot sort ma vie de ses ornières et vient révéler quelque chose en moi, brièvement, minusculement ; découverte au milieu de l’ombre ; indication. En re-connaissant le monde ainsi décrit, je me connais soudain.
De même, l’écriture peut être extase. Alors que l’auteur tâtonne, presque aveugle, « dans une nuit obscure » ou une « forêt profonde », soudain une clairière : « rien qui ne soit un lieu intact dont on croirait qu’il s’est ouvert en ce seul instant et qu’il ne sera plus jamais ainsi. » (Zambrano, 1989).

La littérature peut ainsi être conçue comme une « scène » : comment parler de cet « endroit » immatériel où se rencontrent les figures « transportées » de l’auteur et du lecteur ? Serait-elle l’espace où évolue le sujet lyrique défini par Dominique Combe (Rabaté, 1996) ?
Mon hypothèse est que la révélation ne trouve son sens que par l’expérience éprouvée face à l’altérité rencontrée lors de la lecture ou de l’écriture. Je me demande si la littérature ne peut pas être le lieu d’une expérience que je qualifierai de « mystique », où la confrontation à une altérité radicale « perme[t] sa respiration à la vie » (De Certeau, sd).
Interroger la nature de la rencontre qui s’opère sur la scène littéraire me semble plus important que de questionner celle de l’« altérité » ou de la « révélation » rencontrées. C’est donc la relation qui se noue qui m’intéresse. Car, rencontrant « l’autre », « je » me transforme : phrase qui vaut autant pour le lecteur que pour l’auteur. De même que l’expérience mystique est « altération et révélation » (De Certeau), l’expérience littéraire serait-elle re-connaissance de soi par la reconnaissance de l’autre (en soi) ?

Ce projet de recherche questionne ainsi la notion d’éprouvé — qui porte les deux notions de « ressenti » et de « preuve » —, qui est au cœur de mon projet de création : La Formation.
Dans ce texte, je cherche à plonger le lecteur dans une dérive sectaire inspirée d’une formation-thérapie en « mémoire cellulaire » que j’ai suivie de 2020 à 2022. L’éprouvé tel que défini par cette « méthode », peut être lu comme un exemple de mystique « psychologisée » (De Certeau). Jouant sur le caractère immersif d’une langue-retranscription, ce texte viendrait mettre en évidence les mécanismes discursifs typiques de la manipulation ou plus largement les logiques de pouvoir, d’autorité, inhérents au dialogue tel qu’il se pratique dans ces circonstances.

En conclusion de mon mémoire de recherche de master (2019), j’ai défini le roman de Marie Desplechin comme « le lieu de l’amitié ». Il me semble qu’à travers mon interrogation sur la nature de la relation qui se noue entre lecteur (receveur du texte) et auteur (producteur d’un texte et d’une réalité médiatisée), je pose finalement la question d’un « sujet » (écrivant, lisant) éthique, où « ce n’est pas la vérité de l’énoncé qui importe, mais la justesse de l’énonciation » (Lapeyre, 2017).


Résumé de la thèse en anglais

“What can we know of reality?”: a haunting philosophical memory. Trying to unfold what is « real », explicate it, leads to infinity: “Dividing endlessly. the parts of matter form little vortices in a maelstrom. and in these are found even more vortices, even smaller, and even more are spinning in the concave intervals of the whirls that touch one another.” (Deleuze, 1993).

Yet, despite this uncertainty, while reading, suddenly I can—“OF COURSE”—understand, through the words of another, an until then unnamed experience. “The scene of recognition is the very scene of reading.” (Quignard, 1997). Il myself, a collision, a rapture happens, that puts my life off course. A word gets my life out of the rut; reveals something in me—briefly, tinily; a discovery in darkness; a signal. Re-knowing the world thus described, I suddenly know myself.
Similarly, writing can be ecstatic. While the author probes around, almost blind, “in a dark night” or a “deep forest”, here, a clearing: “nothing but an intact place, which one could think opened itself in this sole instant and never more will be like this.” (Zambrano, 1989).

Literature can thus be conceived as a “scene”: how can one describe this immaterial “place” where the “transported” figures of the author and reader meet? Could it be the space where the lyrical subject defined by Dominique Combe (Rabaté, 1996) progresses?
I postulate that the revelation gets its meaning only through the experience lived in front of the otherness met while reading or writing. I wonder if literature can be the place of an experience I would define as “mystical”, where the face-to-face with a radical alterity “allows life to breathe” (De Certeau, nd).

Questioning the nature of the encounter that happens on the literary scene seems more important to me than questioning that of the “other” or of the “revelation”. I am interested in the relationship that builds up. For, meeting “the other”, “I” change: a sentence that applies both to the reader and the author. As well as the mystical experience is “alteration and revelation” (De Certeau), could the literary experience be re-knowing of oneself through re-cognition of the other (in oneself)?

My research projet tackles the notion of test (“éprouvé”)—which at the same time bears the meanings of “sensing” and “proving”—, a core concept of my creative writing project, entitled La Formation (literally, “the training”, but that could be better translated as The Seminar). With this text, I wish to plunge the reader in a sectarian drift inspired by a training-therapy called “cellular memory” I attended from 2020 to 2022. The “éprouvé” defined by this so-called method can be seen as an example of “psychologised” mystic (De Certeau). Playing on an immersive, transcription-like writing, my text would show manipulation’s discursive mechanisms, and more broadly, the relationships of power and authority that are inherent to the oral exchanges that happen in such circumstances.

Concluding my master’s thesis (2019), I defined Marie Desplechin’s novel as « a place of friendship ». It seems to me that, by pondering on the nature of the relationship that exists between the reader (receiver of the text) and the author (producer of the text), I eventually put into question the concept of a ethical (writing, reading) “subject” (“I”), where “it is not the truth of the statement that matters, but the correctness (justesse) of the enunciation” (Lapeyre, 2017).